Le mouvement démographique en France est tel que nous attendons ces prochaines années, un nombre accru de personnes âgées (18 % de la population en 2070), mais aussi de leur décès et par conséquent, de besoins d’accompagnement de la fin de la vie de nos aînés. Notre Association doit, logiquement, se préparer à intégrer davantage les problématiques de santé dans les accompagnements qu’elle mène, et s’acculturer aux enjeux de la fin de la vie.
En 2022, ce sont près de 1100 personnes que nous avons accompagnées qui sont décédées. Ce qui représente, peu ou prou, 3 000 bénévoles endeuillés par la mort de la personne âgée isolée à qui ils rendaient visite régulièrement, parfois pendant plusieurs années, et dont bien souvent, ils sont devenus les seuls proches. Certains accompagnants se sont trouvés démunis au moment de l’aggravation de l’état de santé de la personne accompagnée, d’autres ont décidé d’alléger leur engagement voire y mettre un terme, faute de soutien à l’approche de la mort ou dans leur période du deuil.
Pour anticiper et répondre au mieux à ces difficultés, l’Association a proposé différentes ressources, organisées selon les besoins identifiés par les équipes bénévoles
Un besoin d'informations
Dans cette logique, l’Association a encouragé les équipes à organiser des rituels après le décès des personnes accompagnées et lui rendre hommage, en présence des bénévoles et des personnes accompagnées qui l’ont connue. Outre le bienfait pour « prendre soin » des bénévoles endeuillés, ce rituel associatif a le mérite de symboliquement « briser le tabou de la mort », de surmonter la peine collectivement et de signifier que personne ne sera oublié après son décès. Un temps de mémoire national est de même organisé à chaque Assemblée Générale, pour honorer les liens que les Petits Frères des Pauvres ont eu avec chacune des personnes décédées, et les inscrire dans l’histoire de l’Association. C’est aussi dans cette optique que l’Association a proposé 18 formations sur les sujets de la fin de vie, réunissant presque 130 bénévoles.
Elle a innové aussi en organisant des représentations théâtrales sur le sujet permettant une sensibilisation du grand public sur ces questions. Une centaine de personnes ont pu en bénéficier à Brignoles et Toulon.
Un besoin de réponse
Les Petits Frères des Pauvres ont ainsi organisé deux visioconférences au moment de la Journée Mondiale des Soins Palliatifs permettant à près de 250 personnes de trouver des réponses aux questions liées aux soins palliatifs et à leur mise en œuvre.
Un autre événement de ce type a permis de présenter le cadre législatif actuel et les enjeux de sa potentielle évolution. Son enregistrement et sa mise à disposition sur une plateforme distancielle de formation vient compléter la série de ressources mises en ligne gratuitement pour aider les équipes de l’Association à continuer à offrir des « petits plaisirs » et du bien-être aux personnes en fin de vie dont l’un des 5 sens viendrait à manquer.
Un besoin de soutien
Un besoin de soutien pour permettre au bénévole d’exprimer ses difficultés dans une situation de fin de vie qui lui apparait souvent bloquée, d’identifier comment il pourrait être possible d’agir pour le mieux-être de la personne compte tenu du contexte, et d’être lui-même accompagné pour poursuivre la relation d’accompagnement.
Ce temps d’écoute et d’analyse de la situation requiert une expertise qui est portée actuellement par des personnes rodées à cet exercice et supervisées. Elles ont pu soutenir 62 situations en 2022 pour laquelle elles avaient été sollicitées. Les situations concernent autant les personnes accompagnées qui souhaitent parler de leur mort sans être suspectées de faire une tentative de suicide, que de soutien aux accompagnements à domicile ou en EHPAD, ou d’une aide à l’organisation d’un temps de mémoire.
Ce soutien rapproché permet de diffuser l’expertise que nous avons acquise et ainsi conforter les bénévoles dans l’importance d’accompagner les personnes jusqu’au bout et tout le sens qu’il prend pour l’action de notre Association.
Accompagner en soins palliatifs : une expertise à partager
L’Association a développé 8 équipes dont l’action est principalement liée à la présence et l’écoute auprès de personnes gravement malades et en fin de vie, dans des moments et des lieux où la vulnérabilité est importante.
Ainsi les 150 bénévoles ont pu intervenir auprès de 2562 personnes, dont 150 personnes soignées à leur domicile ou en EHPAD. La particularité de ces situations réside dans la nécessaire adaptation au jour le jour à l’état de santé de la personne, et le rôle de veille qu’assure le bénévole pour l’équipe soignante avec laquelle il collabore.
- 845 personnes ont été accompagnées en unités de soins palliatifs ou suivies par des professionnels formés aux soins palliatifs. Les visites sont souvent ponctuelles car les personnes y vivent bien souvent leurs dernières semaines. Elles sont généralement denses en émotion et riches « de vie » pour les accompagnants bénévoles : les personnes ayant des besoins spécifiques liées à la perspective de finitude de leur vie.
- 1436 personnes ont bénéficié de la présence d’un bénévole lorsque leur maladie leur faisait vivre un épisode de « crise » les obligeant à accueillir l’irruption de « la mort comme possible », remettre en question leurs repères habituels (services d’oncologie médicale, SSR, neuro-oncologie…) et bien souvent affronter la solitude (« Pour moi, c’est la double-peine : je dois déjà me battre contre la maladie, mais en plus, mon entourage me délaisse car ils n’osent pas me demander comment je vais. Ils sont trop mal à l’aise. C’est maintenant que je vois qui sont mes vrais amis. Vous savez, je peux les compter sur les doigts d’une main ! »). Là encore, la présence et l’écoute offertes par les bénévoles se sont avérées essentielles pour aider ces personnes à se décharger de leurs poids et se centrer sur l’essentiel de ce qu’elles avaient à vivre pour lutter contre la maladie.
- 131 personnes malades détenues en situation de maladie grave ou de fin de vie ont bénéficié de la présence d’un bénévole. L’Association a fait le choix d’intervenir dans des lieux de privation de liberté pour soutenir les personnes les plus vulnérables à vivre leur fin de vie dans un contexte accru de solitude, de rejet et parfois de culpabilité ou de sentiment d’injustice. Les liens de confiance établis avec les professionnels de soin sont indispensables pour introduire les bénévoles et les aider à mener leurs missions. Cette année, la convention nationale a été renouvelée avec l’administration pénitentiaire pour la poursuite de ces actions.
Le bénévolat d’accompagnement en soins palliatifs est encadré par la loi qui fixe à notre association des obligations et des contraintes, mais qui lui permet de développer une véritable expertise dans les champs de la maladie grave, de la fin de vie, des obsèques et du deuil.
Ces 8 équipes mettent à profit leurs expériences pour accompagner les bénévoles et les salariés de leur région, confrontés à de telles situations. En offrant un espace d’écoute et de parole, elles permettent que la parole puisse de dire, et parfois s’élaborer, pour trouver ensemble des pistes pour surmonter les difficultés. En 2022, elles ont ainsi soutenu 62 situations au pas à pas.
Elles sont aussi très actives pour proposer des actions en vue de diffuser la culture palliative, sensibiliser leurs pairs et les proches-aidants à accompagner la fin de vie ou vivre le deuil et ainsi éviter au maximum la survenue de moments difficiles.
À Cambrai, par exemple, notre Association a ainsi organisé un ciné-débat autour du film « De Son Vivant » d’Emmanuelle Bercot pour lequel nous étions partenaires. Cet événement a rassemblé une cinquantaine de personnes. À Sèvres (92), nous avons organisé une conférence avec Christophe André : « Consolations, celles que l’on donne et celles que l’on reçoit » qui a réuni 450 participants, bénévoles Petits Frères des Pauvres d’Ile-de-France ou grand public.
Consciente de cette richesse à ne pas perdre, notre Association a mené en 2022 une étude pour identifier les leviers de développement de cette action et ainsi accélérer le partage de cette expertise. De plus, un travail a été initié pour formaliser des indicateurs de mesure d’utilité sociale (impacts pour notre société).
C’est en partie en s’appuyant sur la légitimé de l’expertise et des expériences singulières de ces équipes, que l’Association a pu porter la parole dans les médias sur les sujets actuels de légalisation de l’aide active à mourir.